

D’elles à nous…
« Les fières vestales de Céline Ranger ont perdu leur regard d’acier, quitté peu à peu leur armure de froideur distante pour entrer dans les promesses de l’aube. S’il leur arrive encore parfois de baisser les paupières
– comme effarouchées par leur soudaine métamorphose – elles nous font le plus souvent face aujourd’hui sans gêne ni artifice.Les voici donc moins solennelles, moins archétypales, mais plus fréquentables et d’autant plus émouvantes
car rendues à leur essence première.Et nous voilà, nous, indéfectibles amoureux du vrai en art, ravis que par la magie de cette élégante, puissante et vibrante peinture, le sensible en remontre une fois encore au mental déconnecté des forces vives
qui sont les marques brûlantes de notre humanité.
Est-ce à dire que nous sommes en présence d’une figuration ordinaire ?Assurément non, car Céline Ranger sème et récolte entre les pages du vivant. Il n’est par rare, d’ailleurs, que soient conviés à prendre place dans ses compositions récentes enfants
et animaux qui se font l’écho de ses tendresses secrètes. Quand bien même elle continue d’évoquer un certain classicisme,son œuvre n’a rien d’académique ; sa pratique, nourrie, certes, de références aux grands maîtres des 18ème et 19ème siècles,
a su intégrer, dans une sublime fusion, l’enseignement de ces derniers et les techniques ou la gestuelle spontanée de notre temps.Comme toujours, c’est en portraitiste chevronnée, mais non conventionnelle,
que l’artiste se positionne, tout entière attachée, à livrer l’intériorité des êtres plutôt que leur plastique identitaire. Les visages, les corps qu’elle nous offre sont comme le parchemin indéfiniment déroulé de leurs facettes et de leurs énigmes.
A l’évidence,voilà une œuvre qui repose davantage sur une quête que sur une affirmation, sur une interrogation fondamentale plutôt que sur une revendication militante. Ces profanes icônes se présentent
un peu comme des doubles auxquels nous confrontons notre part de féminité, que nous soyons femmes ou hommes, d’ailleurs…
Et c’est, en définitive, la qualité de notre regard qui est questionnée : qui suis-je, face à ces figures un peu hors du temps, mi classiques mi modernes, face à ses yeux qui me happent pour une plongée vers l’intime?
Il reste à parier que la femme, cachée derrière l’artiste, a choisi de s’adresser au monde et à l’altérité de chaque visiteur par le biais de cette écriture mouvante-émouvante, toute chargée de pudeur et de conviction, pour en faire son chant, sa déclaration d’amour
en même temps que l’aveu de sa probable blessure. Et, n’en déplaise aux faiseurs de tendance et aux performeurs de l’éphémère, nous ce serons jamais rassasiés de cette harmonie hautement sensible ; nous courtiserons éternellement au contraire la création
de ces artistes, comme Céline Ranger, qui posant leur pas dans l’intemporel, nous avouent ainsi se ravitailler à la source sacrée, à l’Ineffable…
se pourrait il qu’en ces temps de grande incertitude, et par leur entremise, la beauté ait commencé de sauver le monde? »…
Guy Bugeau, peintre
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« Céline … rangée des peintres, plutôt de leur habitude à vouloir interpréter et défendre éperdument leur peinture avec une conviction et une ostentation suspectes.
Il y a bien longtemps que Céline n’est plus un peintre, qu’elle n’a plus à prouver sa place dans l’histoire de l’Art – Parce que c’est bien de cette grande histoire
qu’elle fait désormais partie. Céline, ses femmes, ses âmes, ses témoins, ses anges s’inscrivent dans une extraordinaire continuité,
dans le sillage des plus majestueux messagers, révélateurs d’une humanité transcendée depuis sa force, son équilibre, sa vérité, source, féminité. L’histoire de l’homme est avant tout une histoire de femme. L’univers, la terre sont une histoire de fécondité, de création
– qu’importe le moyen de naître, de voir, d’apparaître, d’explorer, de dire – Tout part de la matrice et de son accompagnement, de cette douceur, bienveillance maternelle.
L’artiste n’a ici jamais été aussi fidèle,authentique, aussi proche de sa définition.Et sa peinture le sait bien. Non … Céline n’est plus un peintre … elle est simplement devenue le support d’une entrée,
d’un passage phénoménal, paranormal … appelez cela comme vous voudrez – d’une parole, peinte, avec d’infinies précautions;
le socle de vos sentiments, de vos exaltations, de vos doutes, de votre devenir avec une fragilité, justesse et toujours cette bienveillance inouïe, magistrale, salutaire.
Jamais une peinture ne m’avait autant aidée à deviner mes propres lacunes, mes espoirs, mes réalisations.
Chacune de ses peintures évoque le parcours et les réponses de celle ou de celui qui ose s’y attarder. Chaque portrait s’adresse aussi curieusement, spontanément au regardeur. Certes, la beauté, la technique aussi exceptionnelles soient-elles pourraient simplement nous contenter
ou nous laisser entrevoir une lumière, une symphonie picturale du plus bel effet, mais cette performance ne s’arrête pas là. En réalité, elle commence dans une profondeur, exquise, enveloppante, totalement indépendante, libre …
elle nous raconte notre propre lumière. Mieux, elle nous observe et nous guide. Elle saura éclairer, deviner, transmettre la plus spectaculaire luminosité. Cela me fait tout drôle de parler de la peinture de Céline en ces termes,
parce que elle-même n’a logiquementpas conscience de ce pouvoir … quoique.
En témoigne mon dernier passage dans son atelier où je m’aperçu de cette gêne, de cette humilité si touchante, si bouleversante d’évoquer ses récents travaux – A ce moment là, j’ai su qu’elle savait, qu’elle était en dehors, c’est à dire unique.
J’ai su que ces femmes, que ces femmes qui étaient des hommes comme les autres femmes, allaient déployer une énergie qui la dépasserait.
J’aime ces artistes, authentiques, c’est à dire peu sûr d’eux et pourtant tellement proches, en interaction avec leurs contemporains, tellement nécessaires.
Céline a dépassé la peinture, l’acte de peindre ne lui appartient plus. Il vous revient. »
Gérard Forche, peintre
